Appartenance
Un autre élément toutefois rend le besoin d’« appartenance » si impérieux : la conscience subjective, la faculté de penser par laquelle I’homme est conscient de lui-même comme entité individuelle, différente de la nature et des autres. Bien que le degré de cette conscience varie, comme I’indique le prochain chapitre, son existence confronte I’homme à un problème essentiellement humain : en étant conscient de lui-même comme distinct de la nature et des autres, en étant conscient — même très vaguement — de la mort, de la maladie, du vieillissement, il ressent obligatoirement son insignifiance et sa petitesse par rapport à I’univers et à tous les autres qui ne sont pas « lui ». A moins qu’il n’ait une appartenance, à moins que sa vie n’ait eu quelque sens et une orientation, il se sentirait comme une particule de poussière et son insignifiance l’accablerait. Il serait incapable de se relier à un quelconque système qui donnerait un sens à sa vie, il serait empli de doute et ce doute pourrait paralyser sa faculté d’agir — c’est-à-dire de vivre.
Erich Fromm; La peur de la liberté, 1941