Gaspillage d’énergie
« L’opinion universelle est unanime dans la conviction que l’état actuel de paix armée est intenable et qu’il finira par devenir peu à peu impossible. Il exige des sacrifices monstrueux de la part de chaque nation; ces sacrifices dépassent de très loin les dépenses faites au profit d’œuvres de civilisation et ne procurent aucun bénéfice réel. Si donc l’humanité trouvait les moyens de renoncer à tous ces armements faits en vue de guerres qui n’ont jamais lieu, à cette immobilisation, pour cause de préparation militaire, d’une notable partie de la nation à l’âge le plus robuste et le plus fertile en rendement, et à tant d’autres dommages encore causés par l’état actuel, l’humanité réaliserait alors une si formidable économie d’énergie qu’à partir de ce moment-là on serait en droit de s’attendre à un épanouissement de civilisation tel qu’il n’a jamais pu en être rêvé; car la guerre, tout comme la lutte entre individus, a beau être le moyen le plus ancien de dénouer les dissentiments, elle n’en est pas moins le procédé le plus impropre, celui qui entraîne le pire gaspillage d’énergie. Le renoncement complet à la guerre, tant potentielle qu’actuelle, est donc entièrement conforme aux données de l’impératif énergétique, et constitue de nos jours une des tâches essentielles de la civilisation. »
Die Philosophie der Werte, 1913
Ostwald Wilhelm