Le napalm
Équilibre dans la chute, tangage ralenti de la courte carène oblongue, verte et vacillante, cerclée d’une ligne jaune. Le temps s’est arrêté tout autour de l’image de cet objet flottant, vu d’en haut, seule composante mobile animant ce panorama circulaire.
Vol à travers un silence lancinant et les grésillements incrustés transitoirement sur le ciel nuageux et blanc d’une ancienne pellicule. La musique renaît progressivement à mes oreilles alors que le projectile s’approche tangentiellement à l’épiderme de la jungle dense, pour accueillir enfin la première déflagration de basses, immense et gloutonne, coïncidant avec la libération du napalm blanc, se rependant au ralenti, dévorant instantanément chaque feuille d’arbre; transformation incandescente défoliant les arborescences de mes pensées, et consumant leurs racines sous la surface de la terre noircie, assurant une annihilation complète des derniers germes de production mentale.
Paysage noir, cendré et fumant, sans aucun mouvement, aucune lueur, aucun souffle. Reflet de mon esprit dorénavant vierge. Les rouleaux de fumée blanche et orangée labourent la surface de mon cerveau, tentative infructueuse de décapiter ma conscience ; pourtant cette intelligence semble indestructible, maintenant son intégrité, pour recevoir de nouveaux entrants et laisser éclore les captations sensitives multiples et parfois simultanées, à la surface de cette plaine désertique. Malgré l’aridité de cette terre, qu’aucune vie ne devrait pouvoir réinvestir, les idées bleues, fluides, filent entre les tertres incultivables pour former un réseau d’irrigation progressant rapidement afin de réhydrater le sol beige et sec, brûlant la plante de mes pieds.
Furinkazan
Juillet 2019