Les Masques
Le bombement rythmique de ma peau, distingué à jour frisant au bord interne d’un poignet semblant appartenir à quelqu’un d’autre. Les lignes bleues, diagonales tortueuses chevauchent les tendons, ces cordes rectilignes muettes, déconnectées de ma volonté, néanmoins présentes à ma vue.
Les masques assurent le circuit fermé pour nos gazes sanguins, la récupération de chaque mots émis, de chaque jugement, cycliquement éructé puis ingurgité à travers ces lèvres sèches. Ressac éternel des mêmes convictions, par nous et pour nous, hermétiquement séquestrées loin des autres haleines acides contenues par les façades bleues papier, impassibles et anonymes. Auto-alimentation stérile, satisfaction sublime naissant d’un accord parfait entre nos propres opinions et nos propres opinions, consentement unilatérale engendrant un sentiment maniaque de suprématie, fatuité vaine s’évaporant rapidement dans l’air froid surplombant la rame du train qui crisse abominablement.
Entretien chimérique avec un interlocuteur immatériel, représenté par un œil blanc fiché au sein de l’oreille, mimiques invisibles et vaines, couvertes par le tissu masquant la face qui s’agite, les traits qui se complaisent dans un soliloque abscons. Un regard animé traverse littéralement les spectres attenants, bien réels et qui meublent de leurs chaires l’environnement invisible où se projette une lame optique, scindant l’acier et le bêton dématérialisés.
L’ autophagie verbale, la réabsorption de concepts intacts de toute emprunte tierce mène à l’accumulation toxique de principes univoques, suffocation lente et solitaire du producteur et consommateur infatué, isolé avec lui-même, mais ravi.
Furinkazan
Novembre 2020