Furinkazan,  Textes

Un bar

Le son d’une voix barbue couvrant partiellement les notes volontairement asynchrones du violon de Ginette, berçant la lente et pourtant si prédictible progression des lames enivrantes du houblon de ma bière, esseulée. L’asymétrie de l’existence projetée sur la toile qui se présente à moi. La courbure des balcons saumon, le contraste pastel du ciel bleu, alternant avec le dégradé gris des nuages s’étendant langoureusement sur ces 20 degrés de mois d’avril.  Le vert des marronniers rampant le long des façades si bien connues par mon souvenir, ce crépit typique de notre ville intemporelle.  Tout me ramène à mon incohérence ; la démarche légèrement spastique de la jeune femme qui tente de l’intégrer à une image plausible, à une unité banale qui la laissera survivre et évoluer au sein de ses congénères. Les mouvements répétés et stéréotypé de l’homme sans âge qui me fait face à la table voisine, étreint entre une biologie inflexible dépendant des habitudes de vie et une accordance certaine avec les signes nécessaires de reconnaissance stylistiques et vestimentaires de son époque. Caressant la poche de son sac à dos, adossé à ces pieds, la table le protégeant des regards indiscrets, qui pourraient tenter de décomposer cette manie, évoquant une sortie canalisée de toute les tensions de son esprit, comme si la somme des flux nerveux se propageant à la surface de sa peau se concentraient et s’engouffraient à travers une seule et unique porte de sortie devenant lumineux sous forme de petits éclairs bleus, courant jusqu’à la surface tissée noir de son bagage.
L’ondulation ponctuelle de la frange d’un store replié me signifie les variations de l’air, portant également le linge étendu au deuxième étage du bâtiment jouxtant le bar où j’ai établi résidence, en compagnie de mon éternel et mécanique ami, MacBook pro 15 pouce avec son écran retina quotidien, ou même parfois horaire.

Furinkazan

Août 2017